"Considérant que, désormais, l’adhésion des communautés ne s’achète plus mais qu’elle se gagne, nous proposons de faire de nos clients des référents de confiance."

 

    

 

Dans le livre blanc de "l'influence digitale par celles et ceux qui la font", Cision France a souhaité prendre le pouls d'un marché de l'influence complexe et protéiforme en prise directe avec l'actualité politique, économique, sociale et parlementaire. Interview réalisée par Aurélie Siou, Directrice Influence, Communication & Relations Publics de Cision France.

Les 40 témoignages d'experts de cet écosytème offrent des réponses aux questions qui agitent le marché de l'influence :

  • Quels sont les leviers d'influence activés à date en communication, médias, tech, pour sa stratégie d'entreprise, sa marque, son offre?
  • Quelles sont les limites & dérives de certains excès de pratiques?
  • Quelles sont les tendances & les nouveaux modes d'influence qui s'offrent aux marques?

Nous avons souhaité recueillir le témoignage de Caroline Faillet, CEO d'Opinion Act et de Edouard Fillias, CEO de Jin qui ont annoncé leur récente fusion. Un éclairage indispensable sur leur définition de l'influence, d'une stratégie d'influence, des leviers à activer et de leur mission de relever le défi de la confiance dans les mondes réels et virtuels.

 

 

Aurélie Siou : Quelle est votre définition de l’influence? Qu’est-ce qu’une stratégie d’influence?

 

Caroline Faillet et Edouard Fillias : L’influence est la capacité à provoquer une évolution de l’opinion ou une action chez autrui. Pour nous, l’influence est indissociable de la notion de confiance, car c’est parce qu’on a confiance dans une voix que l’on sera influencé par elle. Historiquement, l’influence était exercée par la parole publique, la rumeur, puis faisant suite à l’invention de l’imprimerie et l’instruction publique, les médias écrits ont permis d’amplifier fortement le pouvoir d’influence. Mais celui-ci demeurait concentré entre les mains d’une poignée de puissants, qu’ils soient du domaine politique, médiatique, intellectuel, artistique... L’avènement du smartphone et des réseaux sociaux a chamboulé le mécanisme d’influence traditionnel. Aujourd’hui, chacun possède dans sa poche un outil lui permettant potentiellement de concevoir et diffuser son message au monde entier.

On peut en effet s’informer – et se désinformer -, se filmer, monter sa vidéo, puis la diffuser à des milliards de personne sur Facebook, Twitter et TikTok, tout cela gratuitement et à l’aide d’un simple smartphone. Alors que nous passons tous une grande partie de notre quotidien en ligne, le pouvoir d’influer n’a jamais été aussi accessible. Cette révolution apporte son lot de défis pour les entités ayant besoin d’influer pour prospérer, voire subsister. Qu’il s’agisse des gouvernements, institutions, marques… ceux-ci sont en concurrence avec autant d’émetteurs qu’il existe d’utilisateurs publiant du contenu sur les réseaux sociaux. Pire, tous les sondages montrent que ces entités publiques souffrent d’un déficit de confiance auprès du public, par rapport à des voix jugées comme plus proches et plus authentiques, celles des fameux « influenceurs ».

Ces influenceurs, qui sont-ils ? Ce sont des personnes ayant acquis une maîtrise des médias sociaux, dont le message a su entrer en résonnance avec des milliers, voire des millions d’individus, et qui se sont ainsi construits une communauté de fidèles appelés followers dans le jargon, ou suiveurs si l’on voulait proposer une traduction littérale. Parfois, les figures d’autorité du passé ont su se construire un statut d’influenceur en ligne : journalistes, décideurs politiques, dirigeants, nombreux sont ceux qui ont su adopter les plateformes sociales pour se créer leur propre média, faisant fi du filtre médiatique traditionnel. Mais les frontières sont brouillées avec les nouveaux types d’influenceurs, qu’ils soient coachs de vie, joueurs de jeux vidéo professionnels, testeurs de nouvelles technologies, experts en bricolage… tous aujourd’hui jouissent d’une plateforme leur donnant la capacité à toucher une vaste audience et à l’influencer.

Dès lors, la stratégie d’influence repose sur deux leviers. Le premier consiste à dialoguer avec pertinence avec les communautés. Le second consiste à identifier puis activer, les influenceurs sur lesquels s’appuyer pour relayer nos messages et ainsi atteindre nos objectifs : générer des ventes, améliorer sa réputation, faire signer une pétition, obtenir des votes, des dons… Cela passe par un travail de recherche mené avec des outils technologiques avancés pour trouver les influenceurs dont la ligne éditoriale, le style mais aussi la démographie de l’audience sont compatibles avec les nôtres. Souvent, la stratégie d’influence repose sur la diffusion de messages auprès de parties prenantes radicalement différentes, ce qui nécessite donc d’activer des canaux et influenceurs de types différents. La stratégie d’influence est réussie quand il est possible de prouver, à la suite du déploiement d’une campagne, que les messages ont bel et bien provoqué les changements d’opinion et les actions souhaités. Cela peut se mesurer de façon qualitative et quantitative, avec des sondages, ou simplement en analysant les évolutions de trafic, de souscriptions, ou bien sûr de ventes.

Pour influencer, les organisations doivent être connectées à leurs communautés, directement mais aussi par le biais de ce réseau d’alliés, les influenceurs.

C’est une condition du dialogue, mais bientôt aussi avec le web3 et ses nouveaux modèles, pour partager le pouvoir avec elles dans une nouvelle économie de la propriété.

 

A.S. : Faut-il distinguer l’influence organique de l‘influence monétisée? Les influenceurs «professionnels » des influenceurs «produits » ?

 

C.F. et E.F. : Dans une société régie par la recommandation, les entreprises doivent fédérer des alliés authentiques, au-delà des prises de parole rémunérées. Souvent, une stratégie d’influence complète cumulera les deux modèles : des influenceurs du monde professionnel, aussi appelés B2B, qui suivent et commentent avec intérêt notre marque ou organisation, avec qui l’on soigne la relation au long cours. Ceux-ci ont un métier et ils doivent leur statut d’influenceur à leur expertise largement reconnue sur les réseaux. De leur côté, les influenceurs rémunérés considèrent leur activité d’influenceur comme un gagne-pain. Cela ne les empêche pas d’être sélectifs sur les marques et produits qu’ils décideront de promouvoir.

 

Les influenceurs les plus crédibles doivent leur légitimité à une certaine authenticité bâtie au long cours auprès de leur communauté, et faire de la pub en dépit de leurs valeurs serait vu comme une trahison pour leur public.

 

A.S. : Existe-t-il une influence positive et vertueuse VS une influence négative et néfaste?

 

C.F. et E.F. : Absolument, c’est même l’un des défis de notre temps. On le voit aux Etats-Unis, mais aussi avec la propagande russe : de véritables empires d’influence néfaste se sont créés autour de la manipulation des faits et la diffusion de fausses informations, les fameuses fake news. Celles-ci peuvent faire pencher des élections, aggraver la bipolarité de l’opinion, et favoriser l’essor des extrêmes ainsi que des théories du complot. Souvent, cette influence négative fait reculer la confiance dans la science et dans les institutions démocratiques. Il est donc essentiel de lui opposer une influence positive dont les caractéristiques sont la transparence, la rigueur factuelle, le courage et la bienveillance, afin de lui redonner une utilité sociale.

Face à l’échec des GAFAM à offrir des espaces d’influence positive, il y a un enjeu à construire de la pluralité en dehors des géants de la Big Tech sur les canaux numériques, pour permettre précisément à la confiance (et donc l’influence positive) de revenir.

D’où l’intérêt du web3 et ses promesses de décentralisation et d’authenticité.