Dans un environnement médiatique en perpétuelle transformation, où la rapidité de l'information rivalise avec la nécessité de sa véracité, le rapport entre journalistes et professionnels des relations presse s'adapte et évolue. À l'occasion de la publication du Rapport State Of The Media 2025, Com’On Leaders a souhaité donner la parole à ceux qui façonnent chaque jour l'information.
Quelles sont les attentes des journalistes face aux RP ? Comment l'essor des nouvelles technologies, telles que l'intelligence artificielle, les médias sociaux influencent-ils leur métier ? Et surtout, comment les RP peuvent-ils mieux répondre à leurs besoins dans un contexte avec lequel la confiance reste un enjeu clé ?
La parole est à Karine Baudoin, Vice-présidente du Club de la Presse Occitanie, secrétaire générale du SYNAP.
Au regard des résultats de l’étude SOTM 2025, quels sont vos doutes, interrogations et les défis des attaché.es de presse afin de mieux communiquer avec les journalistes dans un monde en pleine mutation ?
Évoluer dans un univers professionnel en mutation accélérée suppose d’être encore plus curieux, à l’écoute et de se former. Le métier d’attaché·e de presse a toujours reposé sur la nécessaire connaissance de la fabrique de l’information et des contraintes des journalistes. Mais l’étude SOTM place « l'adaptation aux changements des comportements du public en matière de consommation des médias » en tête des défis rencontrés par les journalistes. Les dirigeants des médias sont en quête de modèles économiques viables, les effectifs se réduisent, on mise sur le cross-média et la polyvalence des journalistes… De grands rendez-vous comme le festival international de Couthures invitent désormais des influenceurs producteurs de contenus informationnels… Les lignes bougent. Les professionnels des relations médias doivent s’adapter à ces changements.
Les fondements du métier des RP, eux, ne bougent pas. Celles et ceux qui les pratiquent de façon professionnelle savent la voie à suivre : toujours plus de veille, toujours plus de réactivité, d’adresse et de personnalisation, toujours plus de stratégie donc pour de bonnes relations. Mes interrogations reposent sur notre capacité à faire comprendre aux entreprises et aux organisations pour/avec lesquelles nous travaillons que nous ne sommes pas, nous n’avons jamais été, mais plus que jamais, nous ne sommes pas de simples exécutants, mais bien des conseils. Là réside notre principale valeur ajoutée.
Comment réagissez-vous à l’inquiétude des journalistes sur l’utilisation de l’IA par les professionnels des RP, pour la génération de communiqué de presse ?
Je comprends leur réserve voire leur rejet. Je représente le Club de la Presse Occitanie au sein du conseil d’administration du Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM). À ce titre, je vois petit à petit arriver des saisines du public qui pointent du doigt l’utilisation de l’IA dans les médias. Le CDJM a d’ailleurs édité un guide des bonnes pratiques pour canaliser l’usage de l’IA au regard des chartes de déontologie journalistique. Son but : « S’assurer que les progrès de l’IA sont mis au service d’une information de qualité délivrée au public ». Cette exigence vis-à-vis d’eux-mêmes, les journalistes l’ont forcément envers celles et ceux qui leur envoient des communiqués. Selon l’étude SOTM, près des ¾ des réfractaires redoutent les erreurs ; plus de la moitié craint une dégradation de la qualité des CP.
De mon côté, je suis dans un état d’esprit analogue. Je me forme à l’IA au sein de mon syndicat, le SYNAP. Je découvre que je peux automatiser des tâches, gagner en efficacité dans ma veille médias ou dans l’analyse d’un bilan de presse par exemple. Mais j’ai un rapport particulier au texte et c’est moi et moi seule qui m’adresse à mes interlocuteurs journalistes. Enfin, je suis très vigilante sur la confidentialité des données de mes clients : sécurité et fiabilité sont pour moi des points d’attention critiques pour l’usage de l’IA.
Quelles plateformes sociales utilisez-vous dans le cadre de votre travail et pour quels usages en priorité ?
LinkedIn a la cote auprès des journalistes : c’est une première comme le souligne l’étude SOTM. Les attaché·es de presse s’y retrouvent aussi, en partie pour cette raison. Mais au-delà de la veille médias et des contacts potentiels avec les journalistes présents sur ce réseau, LinkedIn permet d’échanger entre professionnels des RP, d’accéder aux ressources et aux réflexions des principaux syndicats. Au sein du SYNAP, je fais partie des rédacteurs et rédactrices des billets baptisés « Le Vrai du Faux des RP » ; nous y rappelons les bonnes pratiques et la déontologie du métier, tout en soulignant ses évolutions.
Les réseaux sociaux me servent aussi de chambre d’écho pour mes communiqués de presse et pour certaines retombées médias de mes clients (dans le respect des règles de diffusion). Je reste en veille sur X et si « BlueSky explose aux États-Unis », toujours selon l’étude, je constate que les médias et les journalistes français sont encore peu actifs sur ce réseau.
Le deuxième défi des journalistes est le maintien de la crédibilité des médias en tant que source d'information fiable et la lutte contre les « fake news ». Quel rôle les professionnels des RP peuvent-ils jouer en la matière ?
Je suis particulièrement sensible au problème de la désinformation qui compromet l’avenir de nos démocraties et le respect des droits humains. Le CDJM et les instances homogues dans d’autres pays sont une des réponses aux tentatives de manipulation de l’information. L’éducation aux médias en est une autre, urgente. Le Club de la Presse Occitanie s’est emparé du sujet après les attentats contre Charlie Hebdo en 2015 et la montée des théories du complot. Il a mis en place Esprit‘ Critik, une action destinée à sensibiliser les jeunes à la fabrique de l’information et à un usage raisonné et responsable des réseaux sociaux. Depuis 10 ans donc, des binômes constitués d’un journaliste et d’un spécialiste de la communication numérique interviennent auprès de collégiens et de lycéens et, plus récemment, d’autres publics (séniors, femmes isolées, détenus…). Les modules sont mis à jour en continu et intègrent désormais la sensibilisation aux IA génératives car les contenus ainsi produits deviennent de plus en plus difficiles à repérer…
En dehors de nos engagements syndicaux et associatifs, j’estime que chaque attaché·e de presse a un rôle décisif à jouer dans le combat pour l’information. D’une part en exerçant son métier dans les règles de l’art et en se formant – je recommande par exemple les cours en ligne de l’AFP sur l’investigation numérique, la formation « IA et RP Augmentée » du SYNAP. D’autre part, en sensibilisant ses clients aux dangers que représentent les campagnes de désinformation, au caractère précieux de l’information et au respect du métier de journaliste.
Etude monde 2025 : Rapport sur l’État des Médias
Les journalistes Nord-Américains les plus réfractaires à l’IA, prédominance de LinkedIn et arrivée de Bluesky dans les usages réseaux sociaux : le rapport State Of The Media 2025 réserve quelques surprises…
Le rapport sur l'état des médias de Cision est un guide pratique essentiel pour les professionnels des RP qui tentent de comprendre le paysage médiatique. Comme chaque année et pour la 16ème édition, Cision a interrogé plus de 3 000 journalistes à travers le monde pour dresser un état des lieux de la profession et connaître leurs sentiments sur l’évolution de leur métier.
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