Dans un environnement médiatique en perpétuelle transformation, où la rapidité de l'information rivalise avec la nécessité de sa véracité, le rapport entre journalistes et professionnels des relations presse s'adapte et évolue. À l'occasion de la publication du Rapport State Of The Media 2025, Com’On Leaders a souhaité donner la parole à ceux qui façonnent chaque jour l'information.

 

Quelles sont les attentes des journalistes face aux RP ? Comment l'essor des nouvelles technologies, telles que l'intelligence artificielle, les médias sociaux influencent-ils leur métier ? Et surtout, comment les RP peuvent-ils mieux répondre à leurs besoins dans un contexte avec lequel la confiance reste un enjeu clé ?

 

La parole est à Charlotte Couffon, Fondatrice Cornaline Communication.

 

Au regard des résultats de l’étude SOTM 2025, entre IA et fragmentation des médias, quels sont les doutes, interrogations et défis des attaché(e)s de presse pour mieux communiquer avec les journalistes dans un monde en pleine mutation ?

Nous sommes à un tournant. L’étude SOTM 2025 le confirme : l’écosystème médiatique est plus que jamais sous tension. Les attaché(e)s de presse ne peuvent plus se contenter d’envoyer un communiqué impersonnel et espérer une couverture. Entre l’explosion de l’IA, la fragmentation des canaux, et l’évolution constante des usages, notre métier doit s’adapter, se réinventer.

Premier défi : la pertinence.

86 % des journalistes rejettent un pitch s’il n’est pas adapté à leur audience. Dans un monde où ils reçoivent plus de 50 sollicitations par semaine, le sur-mesure n’est plus une option : c’est une condition de survie. Il nous faut connaître leurs lignes éditoriales, leurs contraintes, leurs centres d’intérêt, et leur proposer des contenus à forte valeur ajoutée : exclusifs, sourcés, illustrés, contextualisés.

Deuxième défi : l’IA.

Plus de la moitié des journalistes l’utilisent déjà, mais leur principale crainte concerne les erreurs factuelles et la perte d’authenticité. Il ne suffit donc pas d’automatiser nos pitchs : il faut les humaniser, y injecter du sens, de la nuance… et surtout, les relire.

L’IA peut être un levier d’efficacité, mais jamais une excuse à la médiocrité.

Troisième défi : la relation.

Le fameux « R » de RP est trop souvent négligé. Or, 85 % des journalistes déclarent apprécier qu’on prenne simplement le temps de leur écrire pour établir un lien. Dans un contexte de défiance et de surcharge, recréer du lien humain, personnalisé, basé sur la confiance, n’a jamais été aussi stratégique.

Enfin, oui, les journalistes transforment aussi leur façon de consommer l’information. Ils multiplient les canaux (LinkedIn, WhatsApp, BlueSky selon les régions), utilisent eux-mêmes l’IA, jonglent avec les formats… À nous de nous aligner sur cette réalité plus rapide, plus dense, plus éclatée. Sans jamais perdre l’essentiel : rigueur, empathie, clarté.

Être attaché(e) de presse en 2025, c’est être veilleur, pédagogue, technophile… et profondément humain. Un métier en mutation, mais plus essentiel que jamais.

56 % des journalistes se disent opposés aux communiqués de presse générés par l’IA, 30 % d’entre eux sont ouverts à des contenus bien construits, à condition qu’ils soient édités et validés par un humain. Comment réagissez-vous à l’inquiétude des journalistes sur l’utilisation de l’IA par les professionnels des RP, pour la génération de communiqué de presse ou de pitchs ?

L’inquiétude est légitime, et elle nous engage.

Les journalistes l’ont dit clairement : l’IA, oui… mais pas à n’importe quel prix. Ce qu’ils redoutent ? Des contenus génériques, truffés d’erreurs, sans âme, sans contexte, et surtout sans vérification. Et ils ont raison.

Nous avons une responsabilité. L’IA peut être un formidable allié : pour gagner du temps, structurer une idée, proposer un point de départ. Mais elle ne remplacera jamais l’intelligence éditoriale, la connaissance du terrain, la finesse d’un bon angle, ni la rigueur du fact-checking.

L’étude SOTM 2025 montre que 72 % des journalistes craignent les erreurs factuelles dans les contenus générés par IA. C’est une alerte, pas un rejet définitif. Car 30 % restent ouverts à ces contenus… à condition qu’ils soient édités, relus, validés par un humain. C’est là que notre valeur ajoutée entre en jeu.

L’IA ne doit pas être un raccourci paresseux, mais un outil d’optimisation au service de contenus crédibles, pertinents et bien écrits. Ce n’est pas la technologie qui est en cause, c’est l’usage qu’on en fait.

À nous, attaché(e)s de presse, de rester les garants de cette qualité éditoriale. D’être les « éditeurs en chef » de nos propres productions. Et de rappeler une chose simple : derrière chaque bon pitch, il y a toujours un cerveau… et un peu de cœur.

Quelles plateformes sociales utilisez-vous dans le cadre de votre travail (publication de contenu, veille, réseautage…) et pour quels usages en priorité, notamment pour prendre contact avec les journalistes ou publier des contenus pour vos clients ?

Les réseaux sociaux sont devenus des outils à part entière de notre quotidien. Nous les utilisons à la fois pour la veille, la prise de contact et la publication de contenus pour nos clients.

LinkedIn reste notre plateforme de référence en B2B. C’est là que nous repérons les journalistes, suivons leurs sujets, comprenons leurs angles… et que nous publions les tribunes, actualités ou retombées presse de nos clients. C’est aussi un terrain de réseautage professionnel où il est possible de nouer un premier contact de manière ciblée et respectueuse.

Instagram est essentiel pour tout ce qui touche à l’image. Nous l’utilisons pour valoriser les parutions, montrer les coulisses, créer de la proximité, et inciter à l’engagement via des formats courts et visuels. C’est aussi un bon levier pour capter l’attention des journalistes.

TikTok, de notre côté, est devenu un outil de veille créative. Nous y observons les tendances, les formats qui fonctionnent, les mécaniques virales… Cela nous inspire pour animer nos propres réseaux, mais aussi pour encourager nos clients à produire des contenus plus dynamiques, plus incarnés, et à forte audience. Le ton y est différent, mais il ouvre de vraies opportunités de visibilité, même pour des marques a priori « sérieuses ».

X (ex-Twitter) nous sert surtout pour la veille : suivre les sujets chauds, les positions éditoriales, les réactions en temps réel. En revanche, il reste peu utilisé chez nous pour les échanges directs, sauf si une relation est déjà établie.

Enfin, WhatsApp peut être utile dans certains cas, mais uniquement dans une relation existante, de confiance. Pour un premier contact, rien ne remplace l’e-mail, que les journalistes continuent de plébisciter à 85 %.

En résumé, nous adaptons notre usage à chaque plateforme, avec une idée en tête : ne pas occuper tous les canaux pour cocher des cases, mais être au bon endroit, au bon moment, avec le bon contenu.

Quelles sont vos attentes, challenges, vos doutes et interrogations, face à l’utilisation de l’IA et notamment vis-à-vis du combat contre la désinformation ? Avez-vous des attentes et/ou des craintes face à ce développement, spécialement via les agences RP ou par l’utilisation de l’IA par les communicants et les marques sans passer par une agence ? 

L’IA est une révolution. Mais comme toute révolution technologique, elle vient avec ses promesses… et ses risques.

Notre principale attente, c’est que l’IA ne devienne pas un générateur de bruit, de contenus creux, approximatifs, voire erronés. Car le vrai danger, ce n’est pas l’outil, c’est l’absence de filtre éditorial et de sens critique dans son usage. Or, dans un contexte où les journalistes luttent déjà contre la désinformation, des contenus non vérifiés, mal sourcés ou artificiellement gonflés peuvent gravement nuire à la crédibilité d’une marque… comme à celle des relations presse.

C’est là que les agences ont un rôle fondamental. Nous sommes des gardiens de la qualité : nous vérifions, nous contextualisons, nous reformulons, nous apportons la nuance que l’IA ne possède pas. Face à la tentation de l’automatisation « facile », nous rappelons qu’un bon contenu, c’est un contenu crédible, incarné, ciblé, vérifié.

Et ça, aucune IA ne le fera sans une intervention humaine rigoureuse.

Notre crainte, en revanche, concerne l’usage autonome de l’IA par certaines marques ou communicants, sans compétence RP ou sans validation éditoriale. Cela risque d’inonder les journalistes de contenus impersonnels, imprécis, voire biaisés, et d’alimenter la méfiance déjà très présente envers les relations presse.

Il y a donc une responsabilité collective : celle d’utiliser l’IA comme un assistant, jamais comme un substitut à l’intelligence humaine. L’étude SOTM 2025 est claire : les journalistes attendent de nous des contenus utiles, fiables, construits, pas des copier-coller automatisés.

L’IA peut nous aider à aller plus vite, mais c’est à nous de continuer à penser juste.

En résumé ? L’IA est un outil puissant. Mais sans recul, sans éthique et sans expertise humaine, elle peut faire plus de mal que de bien. Et c’est précisément là que les agences ont toute leur légitimité à réaffirmer : nous sommes plus utiles que jamais.

 

 

Etude monde 2025 : Rapport sur l’État des Médias

Les journalistes Nord-Américains les plus réfractaires à l’IA, prédominance de LinkedIn et arrivée de Bluesky dans les usages réseaux sociaux : le rapport State Of The Media 2025 réserve quelques surprises…

Le rapport sur l'état des médias de Cision est un guide pratique essentiel pour les professionnels des RP qui tentent de comprendre le paysage médiatique. Comme chaque année et pour la 16ème édition, Cision a interrogé plus de 3 000 journalistes à travers le monde pour dresser un état des lieux de la profession et connaître leurs sentiments sur l’évolution de leur métier.

 

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