Dans un environnement médiatique en perpétuelle transformation, où la rapidité de l'information rivalise avec la nécessité de sa véracité, le rapport entre journalistes et professionnels des relations presse s'adapte et évolue. À l'occasion de la publication du Rapport State Of The Media 2025, Com’On Leaders a souhaité donner la parole à ceux qui façonnent chaque jour l'information.
Quelles sont les attentes des journalistes face aux RP ? Comment l'essor des nouvelles technologies, telles que l'intelligence artificielle, les médias sociaux influencent-ils leur métier ? Et surtout, comment les RP peuvent-ils mieux répondre à leurs besoins dans un contexte avec lequel la confiance reste un enjeu clé ?
La parole est à Corinne Hennequin, Directrice de l'agence de relations médias et digitale Hémisphère Sud.
Au regard des résultats de l’étude SOTM 2025, entre IA et fragmentation des médias, quels sont vos doutes, interrogations et les défis des attaché(e)s de presse pour mieux communiquer avec les journalistes dans un monde en pleine mutation ?
La banalisation de l’utilisation de l’IA générative dans nos vies professionnelles et personnelles a fortement impacté nos comportements et nos habitudes de consommation de l’information avec quelques différences toutefois entre les générations. Les médias sont ainsi détrônés par l’IA comme source d’information pour les millennials et la Gen Z alors que les boomers et la Gen X continuent d’accorder leur préférence aux médias, jugés plus crédibles.
Cette évolution profonde bouleverse la position des médias vis-à-vis de leur lectorat/audience : s’adapter à ces nouveaux comportements devient le premier grand défi des journalistes (42% des répondants de l’étude SOTM 2025). L’attention des audiences est devenue volatile et fragmentée, elle papillonne entre l’IA générative, les réseaux sociaux, les podcasts et médias pure players. Pour la première fois, la recherche sur Google accuse un recul au cours du dernier trimestre.
L’enjeu des attachés de presse est d’accompagner cette mutation en construisant des messages adaptés à la ligne éditoriale des canaux ciblés mais aussi aux codes de ces supports. Nous avons une vraie carte à jouer pour devenir des partenaires de confiance, d’autant plus que notre formation et notre métier nous ont rompus à cet exercice d’agilité.
Le défi pour notre métier de communicant est d’apporter aux journalistes un contenu vérifié avec une valeur ajoutée qu’ils ne trouveront pas par l’IA : une analyse fine d’un contexte avec des témoignages d’experts, des chiffres mis en perspective sur plusieurs périodes, des exemples, des anecdotes, des portraits, des verbatims… Nous avons une formidable opportunité à saisir : celle de pouvoir illustrer notre rôle de personne-ressource, de facilitateur pour accéder à une information plus qualifiée ou à un interlocuteur clef. Bref, cette mutation profonde peut redonner à notre métier ses lettres de noblesse.
56 % des journalistes se disent opposés aux communiqués de presse générés par l’IA, 30 % d’entre eux sont ouverts à des contenus bien construits, à condition qu’ils soient édités et validés par un humain. Comment réagissez-vous à l’inquiétude des journalistes sur l’utilisation de l’IA par les professionnels des RP, pour la génération de communiqué de presse ou de pitchs ?
Cette inquiétude est tout à fait légitime dans la mesure où l’IA générative reste encore fortement faillible (72% des journalistes de l’étude SOTM disent craindre des erreurs) surtout si le contenu qu’elle propose n’est pas analysé de façon systématique avec un esprit critique et une bonne culture générale. Dans le contrat moral qui lie un journaliste et un attaché de presse, le premier article concerne la véracité des informations proposées.
Si les journalistes peuvent accepter que nous, professionnels, ayons recours à l’IA pour automatiser des taches, ils attendent des attachés de presse une plus-value humaine, une compréhension fine des sujets, une connaissance indispensable de la ligne éditoriale de leur média et un discernement dans le traitement de l’information.
La fidélité d’une relation entre un journaliste et un attaché de presse se construit, entre autres, sur cette pratique. C’est cette fiabilité qui nourrit la confiance qui s’installe ensuite dans la relation.
J’estime donc que si le contenu d’un CP est construit à partir d’informations recueillies par le recours à l’IA, alors il faut le mentionner.
Quelles plateformes sociales utilisez-vous dans le cadre de votre travail (publication de contenu, veille, réseautage…) et pour quels usages en priorité pour prendre contact avec les journalistes ou pour publier des contenus pour vos clients ?
Le choix des plateformes va dépendre des cibles de consommateurs touchées et du sujet traité.
Sur mon pôle tourisme, on préférera Instagram par exemple pour cibler les clientèles touristiques et les familles. Pour des sujets plus corporate, on utilisera davantage Linkedin. La communication sur les réseaux pour l’équipe de mon pôle vin est beaucoup plus sensible en revanche et codifiée par la Loi Evin.
Pour réseauter et trouver des contacts, ces deux réseaux sont utiles avec une approche différente qui respecte les codes de chaque plateforme.
Mais d’une façon générale, j’ai recours spontanément à Linkedin pour entrer en contact avec un journaliste que je ne connais pas : ce réseau a d’ailleurs énormément progressé dans les habitudes de la presse comme le montre l’étude SOTM (59% des journalistes déclarent l’utiliser – un chiffre en augmentation de 20 points sur un an).
Quelles sont vos attentes, challenges, vos doutes et interrogations, face à l’utilisation de l’IA et notamment vis-à-vis du combat contre la désinformation ? Avez-vous des attentes et/ou des craintes face à ce développement, spécialement via les Agences RP ou par l’utilisation de l’IA par les communicants et les marques sans passer par une agence ?
Si les journalistes sont réticents à recevoir des CP construits par l’IA, ils sont de plus en plus nombreux en revanche à utiliser l’IA dans leur travail (53% selon l’étude SOTM – en progression de 36 points en un an !) et notamment pour effectuer des recherches sur des sujets (pour 25% d’entre eux selon la même étude). Ce contexte pose un réel challenge pour nous, communicants : si les marques de nos clients ne sont pas perçus comme ressources par l’IA (qui cite par ailleurs un nombre limité de sources), alors elles seront invisibles dans les requêtes effectuées par les journalistes. L’enjeu n’est donc pas seulement de garantir la qualité et la fiabilité des informations proposées aux journalistes (pour se distinguer des erreurs/inexactitudes rencontrées sur l’IA) mais aussi d’effectuer un travail de fond pour que nos messages et les marques de nos clients apparaissent comme source faisant autorité pour les IA.
Je pense que nos métiers vont évoluer en intégrant de nouveaux périmètres, à savoir enseigner à l’IA l’expertise de nos clients et leur place dans l’écosystème de leur secteur. Les agences RP sont amenées à se diversifier dans les stratégies GSO (Generative Serach Optimization).
La bonne nouvelle, c’est que l’IA va chercher l’information sur des sites perçus comme faisant autorité et les médias apparaissent comme source crédible dans ce domaine !
Nos stratégies presse doivent identifier les sites médias à forte autorité qui ont donc de forte chance d’être repris par les moteurs IA. La seconde étape sera de travailler une stratégie de contenu spécifique pour les journalistes de ces médias et multiplier les mentions de la marque sur tous les canaux experts.
Un nouvel élan se dessine pour l’avenir des RP avec l’avènement de l’IA et les marques auront de plus en plus besoin des agences pour orchestrer une stratégie de contenu percutante, multicanale et apporter aux journalistes l’information fiable et vérifiée dont ils ont besoin.
Je me réjouis des opportunités qu’ouvre l’IA pour nos métiers ; elle nous valorise et nous rend encore plus indispensables !
Etude monde 2025 : Rapport sur l’État des Médias
Les journalistes Nord-Américains les plus réfractaires à l’IA, prédominance de LinkedIn et arrivée de Bluesky dans les usages réseaux sociaux : le rapport State Of The Media 2025 réserve quelques surprises…
Le rapport sur l'état des médias de Cision est un guide pratique essentiel pour les professionnels des RP qui tentent de comprendre le paysage médiatique. Comme chaque année et pour la 16ème édition, Cision a interrogé plus de 3 000 journalistes à travers le monde pour dresser un état des lieux de la profession et connaître leurs sentiments sur l’évolution de leur métier.
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