Dans un environnement médiatique en perpétuelle transformation, où la rapidité de l'information rivalise avec la nécessité de sa véracité, le rapport entre journalistes et professionnels des relations presse s'adapte et évolue. À l'occasion de la publication du Rapport State Of The Media 2025, Com’On Leaders a souhaité donner la parole à ceux qui façonnent chaque jour l'information.
Quelles sont les attentes des journalistes face aux RP ? Comment l'essor des nouvelles technologies, telles que l'intelligence artificielle, les médias sociaux influencent-ils leur métier ? Et surtout, comment les RP peuvent-ils mieux répondre à leurs besoins dans un contexte avec lequel la confiance reste un enjeu clé ?
La parole est à Margaux Dumoulin, Consultante RP & Digital Plus2sens.
Au regard des résultats de l’étude SOTM 2025, entre IA et fragmentation des médias, quels sont vos doutes, interrogations et les défis des attaché(e)s de presse pour mieux communiquer avec les journalistes dans un monde en pleine mutation ? Et Pensez-vous que ceux-ci, par un effet de miroir, ont également une nouvelle façon de consommer l’information que vous leur envoyez ?
Les journalistes ont déclaré utiliser à 96 % les réseaux sociaux et à 53 % l’IA dans le cadre de leur travail. Malgré cette vie numérique, ils sont 85 % à penser que la meilleure façon de commencer à construire une relation avec eux est de se présenter. Ouvrir et cadencer la conversation tout au long de l’année est plus important que jamais. J’ajouterais même qu’il devient indispensable d’incarner ses RP. Il nous faut désormais nous montrer, communiquer, se différencier, valoriser nos angles et nos accroches, et quelque part « influencer ». Comme le font certains journalistes finalement.
Sur les formats, j’ai toujours pensé qu’on ne pouvait pas se contenter de dire que « le journaliste veut une info et c’est tout ». Quel manque de considération ! Le rapport l’atteste : ils agissent au quotidien avec les réseaux sociaux et l’IA. On se doit de leur proposer des outils presse adaptés à la demande des lecteurs et… de la « machine : résumé en fin de CP, encart Q&A, rubricage réseaux sociaux, vidéo prête à l’emploi…
Outre la relation, la consommation de l’information est en totale transformation. Entre janvier 2024 et mai 2025, les requêtes liées à l’actualité dans ChatGPT ont augmenté de 212 % (étude Similarweb) : le signe clair de l’évolution des préférences des utilisateurs et du rôle croissant des IA dans la recherche d’information. C’est une tendance prévisible qui doit nous amener à nous concentrer sur la valeur des contenus produits. Ce qui fonde aujourd’hui notre valeur d’attachés de presse, c’est notre aptitude à faire remonter de l’information du terrain, à relier les faits, à proposer des angles différenciants. L’IA nous oblige à réinvestir une mission plus stratégique et complexe : celle de fabriquer du sens.
56 % des journalistes se disent opposés aux communiqués de presse générés par l’IA, 30 % d’entre eux sont ouverts à des contenus bien construits, à condition qu’ils soient édités et validés par un humain. Comment réagissez-vous à l’inquiétude des journalistes sur l’utilisation de l’IA par les professionnels des RP, pour la génération de communiqué de presse ou de pitchs ?
Il faut d’abord s’arrêter sur la hausse notable du nombre de journalistes utilisant l’IA : de 47 % à 53 % en un an. Ils l’utilisent principalement pour rechercher des sujets (25%), les aider à transcrire les interviews (23%) et résumer des textes (20%). Ce qui est étonnant en revanche, c’est leur réaction quant à l’utilisation de l’IA par les RP : 27 % y sont fermement opposés. Pourquoi tant de méfiance et de différence entre leur propre utilisation et la nôtre ?
Lire le rapport Cision en détail nous permet d’y voir plus clair. Alors qu’on leur pose la question « Utilisez-vous des outils d’IA pour vous aider dans votre travail ? Si oui, dans quelle mesure ? », elle est déjà anglée pour les RP : « Que pensez-vous des professionnels des RP qui utilisent l'IA pour générer des pitchs ou des communiqués de presse ? ». Forcément, sur ce sujet ô combien sensible de la rédaction, les réponses sont plus contrastées voire clairement négatives. Ils ne souhaitent pas que nous n’utilisions pas l’IA, ils veulent simplement que nous ne générions pas de communiqués complets avec son aide, ce qui me paraît plutôt très rationnel et dans la réalité de notre métier. Il s’agit d’un engagement éthique que nous devons tous honorer, tout en comprenant bien que l’IA n’est pas un remplacement, mais une nouvelle responsabilité.
Quelles plateformes sociales utilisez-vous dans le cadre de votre travail et pour quels usages en priorité pour prendre contact avec les journalistes ou pour publier des contenus pour vos clients ?
J’aime évoquer le cercle vertueux de l’information. Il y a quelques années, nous diffusions un CP à notre liste de journalistes et, si nous avions de la chance, il était transmis au COMEX de l’entreprise. Aujourd’hui, nous avons un devoir de résonance et surtout de l’or entre les mains : une information validée par une entreprise, illustrée par un témoignage terrain, factuelle et dans l’actualité.
Cette résonance passe par notre travail de relations presse, amplifié par des publications en ligne : un article de blog (sans duplicate content !), 2 à 3 posts sur les réseaux sociaux de l’entreprise, mais aussi, et cela a son importance, sur ceux de l’agence et de l’attaché de presse (on parlait d’incarnation juste au-dessus). Sans oublier une sélection de 2 à 3 « top voice » sur le réseau social préféré de l’entreprise, qui ont un vrai rôle à jouer. Ils peuvent se permettre d’ajouter une anecdote, une émotion, quelque chose de personnel pour sortir de ces post IA qui se ressemblent tous ! Une touche de vulgarisation, avec un format questions/réponses par exemple, permet aussi de fournir un contenu bien « digéré » par l’IA.
Pour la publication et le réseautage, LinkedIn a ma préférence. Pour la veille, il est aussi mon meilleur ami, même si j’ai un faible depuis bien longtemps pour TikTok. Pour écouter et s’imprégner des tendances, il n’y a pas mieux.
Quelles sont vos attentes, challenges, vos doutes et interrogations, face à l’utilisation de l’IA et notamment vis-à-vis du combat contre la désinformation ? Avez-vous des attentes et/ou des craintes face à ce développement, spécialement via les Agences RP ou par l’utilisation de l’IA par les communicants et les marques sans passer par une agence ?
Quand on sait que 1,5 milliard de publications mensongères sont diffusées chaque jour sur les principales plateformes de médias sociaux (baromètre La Croix 2025), il y a de quoi s’inquiéter. Malgré tout, les médias bénéficient d’un capital confiance : la presse locale, les chaînes du service public ou le journal Le Monde ont un taux de confiance dépassant 50 %. On atteint 69 % pour les journaux télévisés traditionnels (contre 19 % pour les influenceurs). Nous devons nous battre, collectivement, pour que la presse conserve ses lettres de noblesse, qu’elle incarne l’information (comme les nouveaux info-influenceurs le font), sans se dépersonnifier pour ne devenir qu’une source de données invisibilisée par l’IA.
Il faut d’ailleurs prendre conscience que les sources des médias participent à la pertinence des IA. Toutes ont contractualisé avec des organismes de presse pour entraîner leur modèle et se sourcer : l’AFP et Mistral, Le Monde et Perplexity… Toutes se réfèrent massivement aux contenus médiatiques, pour la bonne cause ! La mention d’une marque dans la presse, grâce au travail RP, permet donc qu’elle figure dans les réponses IA. Nous avons bel et bien notre rôle à jouer en tant qu’attachée de presse dans ce fameux cercle informationnel.
Enfin, se former à l’IA n’est plus une option : c’est un prérequis. Et je terminerai là-dessus : comprenons les algorithmes, apprenons à dialoguer avec les machines, soyons en maîtrise pour garder la main sur la chaîne de l’information et rester pertinent. Nous partageons, avec les journalistes, un même impératif : ne pas subir l’IA, mais l’apprivoiser pour préserver le sens, la qualité et la confiance.
Etude monde 2025 : Rapport sur l’État des Médias
Les journalistes Nord-Américains les plus réfractaires à l’IA, prédominance de LinkedIn et arrivée de Bluesky dans les usages réseaux sociaux : le rapport State Of The Media 2025 réserve quelques surprises…
Le rapport sur l'état des médias de Cision est un guide pratique essentiel pour les professionnels des RP qui tentent de comprendre le paysage médiatique. Comme chaque année et pour la 16ème édition, Cision a interrogé plus de 3 000 journalistes à travers le monde pour dresser un état des lieux de la profession et connaître leurs sentiments sur l’évolution de leur métier.
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