Dans un environnement médiatique en perpétuelle transformation, où la rapidité de l'information rivalise avec la nécessité de sa véracité, le rapport entre journalistes et professionnels des relations presse s'adapte et évolue. À l'occasion de la publication du Rapport State Of The Media 2025, Com’On Leaders a souhaité donner la parole à ceux qui façonnent chaque jour l'information.
Quelles sont les attentes des journalistes face aux RP ? Comment l'essor des nouvelles technologies, telles que l'intelligence artificielle, les médias sociaux influencent-ils leur métier ? Et surtout, comment les RP peuvent-ils mieux répondre à leurs besoins dans un contexte avec lequel la confiance reste un enjeu clé ?
La parole est à Elodie Laloum, Fondatrice, Agence RP MELODIK.
Au regard des résultats de l’étude SOTM 2025, entre IA et fragmentation des médias, quels sont vos doutes, interrogations et les défis des attaché(e)s de presse pour mieux communiquer avec les journalistes dans un monde en pleine mutation ? Et Pensez-vous que ceux-ci, par un effet de miroir, ont également une nouvelle façon de consommer l’information que vous leur envoyez ?
La communication avec les journalistes ressemble de plus en plus à une course d’orientation chronométrée sur terrain mouvant. Un vrai jeu de piste. D’un côté, l’IA bouleverse nos pratiques et accélère la production de contenus. De l'autre, les canaux de diffusion se multiplient et la fragmentation médiatique crée une mosaïque où chaque journaliste, chaque média, chaque plateforme impose ses propres codes. En 2025, le défi, c'est de sortir du "bruit". À l’ère où l’IA peut pondre 1000 communiqués par heure, l’attaché de presse doit prouver qu’il est encore capable de livrer l’unique pitch qui capte vraiment l’attention. Notre rôle devient moins celui de rédacteur et plus celui de “curateur de sens”.
Et oui, les journalistes, par effet miroir, consomment l’information différemment : moins de temps, plus d’alertes, leur attention est encore plus fragmentée. Et eux aussi, pour titrer, pour structurer, pour sourcer, pour aller plus vite, ils utilisent de plus en plus Chat GPT. Le vrai enjeu reste le même pour tous : raconter une histoire calibrée, pertinente et solide pour nourrir la confiance envers les médias qui s'estompe. Parfois pour choisir le titre d’objet du pitch, je retravaille 15 fois un prompt jusqu'à obtenir qq chose qui me convienne.
56 % des journalistes rejettent les communiqués générés par l’IA, tandis que 30 % les tolèrent s’ils sont relus par un humain. Quelle est votre réponse à cette inquiétude ?
Ils ont raison de s’inquiéter : un communiqué de presse standardisé, formaté par une machine, c’est la porte ouverte à l’indifférence. Je comprends donc la méfiance avec cependant une nuance importante : 30 % d’entre eux sont ouverts à des contenus créés par IA… À condition qu’ils soient édités par un humain. Autrement dit, l’IA peut être l’assistant, pas l’auteur. En effet, l’IA ne maîtrise ni le contexte sectoriel ni l'esprit critique qui fonde toute communication de qualité. Les discours sont standardisés, les clichés aussi, quel journaliste ne cherche pas de singularité ? aucun. Pourtant, voir l’IA uniquement comme une menace serait réducteur. Elle offre une synthèse initiale, des reformulations bienvenues, des angles parfois insoupçonnées, vraiment. C'est un assistant subordonné au regard lucide et à la cohérence humaine.
Quelles plateformes sociales privilégiez-vous pour votre travail, et pour quels usages ?
Les plateformes sociales sont devenues nos “coulisses” de relations presse. LinkedIn est désormais l’agora des attachés de presse : on y publie, on y scrute les posts des journalistes, on y teste la résonance d’une prise de parole. Perso depuis 4 ans, c'est mon terrain de jeu préféré. X (ex-Twitter) reste la salle de presse en temps réel, utile pour détecter des signaux faibles, capter une tendance ou initier un contact direct, mais j'évite. Et Instagram est plus contextuel : utile quand il s’agit de mettre en avant des marques lifestyle, d’illustrer une ambiance ou de raconter un univers visuel. En réalité, LinkedIn s’impose, comme un espace vivant de veille, de mise en réseau réfléchie et de valorisation des contenus. Il incarne la plateforme où l’on reconnaît le journaliste, on l’interroge, on propose un échange, loin des mails impersonnels.
Quelles sont vos attentes, vos doutes, vos interrogations face à l’IA, notamment concernant la lutte contre la désinformation ?
La grande crainte, c’est l’IA comme usine à fake news. Si une agence RP ou une marque utilise ChatGPT pour générer massivement des contenus sans filtre, on court vers une perte de confiance généralisée. Les communicants doivent poser un garde-fou. On peut automatiser des drafts, mais jamais publier sans vérification humaine. La désinformation tue la relation presse. Un journaliste ne pardonnera pas un pitch basé sur une donnée erronée, même si elle vient d’un “copier-coller” IA. J'en ai fait l'expérience d'ailleurs. La vraie question est : allons-nous utiliser l’IA pour produire plus de contenus ou pour mieux analyser, cibler et contextualiser ? Personnellement, Mon agence adopte la seconde voie. Car demain, la valeur d’un attaché de presse ne sera pas d’avoir généré un communiqué, mais d’avoir créé un contenu fiable, vérifiable et singulier, dans un océan de bruit.
L’enjeu est donc de préserver l’équilibre en maintenant un filtre humain intransigeant. Cela implique la formation continue aux biais technologiques, au fact-checking numérique et à la lutte anti-désinformation, qui transpire sur tous les médias désormais.
Etude monde 2025 : Rapport sur l’État des Médias
Les journalistes Nord-Américains les plus réfractaires à l’IA, prédominance de LinkedIn et arrivée de Bluesky dans les usages réseaux sociaux : le rapport State Of The Media 2025 réserve quelques surprises…
Le rapport sur l'état des médias de Cision est un guide pratique essentiel pour les professionnels des RP qui tentent de comprendre le paysage médiatique. Comme chaque année et pour la 16ème édition, Cision a interrogé plus de 3 000 journalistes à travers le monde pour dresser un état des lieux de la profession et connaître leurs sentiments sur l’évolution de leur métier.
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