Dans un environnement médiatique en perpétuelle transformation, où la rapidité de l'information rivalise avec la nécessité de sa véracité, le rapport entre journalistes et professionnels des relations presse s'adapte et évolue. À l'occasion de la publication du Rapport State Of The Media 2025, Com’On Leaders a souhaité donner la parole à ceux qui façonnent chaque jour l'information.

 

Quelles sont les attentes des journalistes face aux RP ? Comment l'essor des nouvelles technologies, telles que l'intelligence artificielle, les médias sociaux influencent-ils leur métier ? Et surtout, comment les RP peuvent-ils mieux répondre à leurs besoins dans un contexte avec lequel la confiance reste un enjeu clé ?

 

La parole est à Sophie Decaudin, coprésidente du SYNAP (Syndicat Nationale des Attachés de Presse et des Conseillers en Relations Publics).

 

Entre IA et fragmentation des médias, quels défis pour les attaché(e)s de presse ? Et observez-vous un changement dans la manière dont les journalistes consomment l’information ?

La fragmentation des médias et la multiplication des canaux d’information imposent une exigence nouvelle : celle de la pertinence absolue. Il ne suffit plus d’informer, il faut capter l’attention de journalistes soumis à une pression permanente de production et de vérification. L’étude SOTM 2025 la montre clairement : l’adaptation aux nouveaux comportements de consommation d’information est devenue le premier défi des journalistes (42 %), devant même la lutte contre les fake news.

Dans ce contexte, les attachés de presse doivent faire évoluer leurs pratiques. Le ciblage est plus fin, les formats plus souples, et l’anticipation devient clé. Il faut proposer des contenus à forte valeur ajoutée, exploitables immédiatement, dans le bon format, au bon moment. Le communiqué de presse unique, qui parfois s’adresse à plusieurs cibles, doit être accompagné d’un pitch permettant d’angler l’information en fonction du domaine du média ou des journalistes auxquels il est envoyé.

Oui, les journalistes ont, eux aussi, changé leur façon de consommer l’information. Ils attendent des contenus concis, contextualisés, sourcés et différenciants. Cela implique pour nous, professionnels des RP, une écoute plus attentive et un dialogue plus construit. Nous ne sommes plus de simples messagers : nous devenons des filtres et des garants de la crédibilité.

56 % des journalistes se disent opposés aux CP générés par l’IA. Quelle est votre position sur cette inquiétude ?

Elle est compréhensible. L’IA génère plus vite, mais pas toujours mieux. Ce qui fait la valeur d’un contenu RP, c’est sa justesse, son ton, sa vérifiabilité. Or, l’étude montre que les principales craintes des journalistes sont les erreurs (72 %), la baisse de qualité (58 %) et le manque d’authenticité (53 %). Ces signaux ne doivent pas être ignorés.

Au SYNAP, nous sommes clairs : l’IA peut être un outil d’aide à la rédaction ou à l’enrichissement sur la thématique de l’annonce, mais jamais une fin en soi. Ce qui est envoyé à un journaliste doit être validé, assumé et signé par un humain. Le communiqué de presse doit aussi comporter une actualité ! L’automatisation ne doit pas remplacer le discernement. Elle peut, à la marge, aider à structurer un pitch ou à dégrossir un texte, mais la relation journaliste/attaché de presse repose avant tout sur la confiance. Et la confiance ne se délègue pas à une machine.

Quelles plateformes sociales utilisez-vous dans votre travail, et à quelles fins ?

LinkedIn est aujourd’hui l’outil principal dans notre travail quotidien et a surplombé X qui du temps de Twitter était très utilisé. Ce n’est pas un hasard s’il est désormais la première plateforme utilisée par les journalistes (59 %, +20 points par rapport à 2024). Il s’y passe quelque chose : des échanges plus professionnels, plus qualitatifs, et une vraie logique de réseau.

Nous l’utilisons pour la veille, le réseautage, et la valorisation des contenus de nos clients. En parallèle, nous gardons un œil sur X (ex-Twitter) pour la réactivité, sur Facebook selon les cibles grand public, et sur Instagram dans une logique visuelle. La clé reste l’adaptation : chaque plateforme a sa tonalité, ses usages, ses publics. Pour le moment, nous ne voyons pas encore le décollage de Bluesky.

Ce que l’on publie n’est pas pensé pour “faire du bruit”, mais pour renforcer la légitimité de la parole. Et quand il s’agit de contacter un journaliste, il vaut mieux parfois un message privé bien construit sur LinkedIn qu’un mail noyé dans une boîte pleine.

Quelles attentes ou inquiétudes avez-vous vis-à-vis de l’IA, notamment sur la désinformation ?

Les fake news ont débuté bien avant l’émergence de l’IA générative. Avec l’IA tout va vite. Et peut halluciner puis propager son erreur tout aussi rapidement. Le combat contre la désinformation devient donc une responsabilité partagée entre journalistes, communicants et plateformes. Nous avons un rôle d’intermédiaire critique : avoir du recul, vérifier, recouper, reformuler si nécessaire. Garder un esprit critique et ne jamais faire confiance à une information générée par l’IA.

La vraie crainte, c’est l’usage de l’IA en dehors de tout cadre éthique : une marque ou un communicant qui diffuserait massivement des contenus générés sans vérification, sans transparence et surtout avec une actualité artificielle (ou aucune actualité). Cela nuit à l’ensemble de la profession. C’est pourquoi, au SYNAP, nous plaidons pour des usages responsables, encadrés, où l’humain garde la main.

Les professionnels des RP ont une responsabilité et un rôle clé dans la chaine de fabrication de l’information : former, encadrer, et alerter si nécessaire. L’IA est un outil. La stratégie, la déontologie et la relation humaine restent l’essentiel de notre métier.

 

 

Etude monde 2025 : Rapport sur l’État des Médias

Les journalistes Nord-Américains les plus réfractaires à l’IA, prédominance de LinkedIn et arrivée de Bluesky dans les usages réseaux sociaux : le rapport State Of The Media 2025 réserve quelques surprises…

Le rapport sur l'état des médias de Cision est un guide pratique essentiel pour les professionnels des RP qui tentent de comprendre le paysage médiatique. Comme chaque année et pour la 16ème édition, Cision a interrogé plus de 3 000 journalistes à travers le monde pour dresser un état des lieux de la profession et connaître leurs sentiments sur l’évolution de leur métier.

 

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