Dans un environnement médiatique en perpétuelle transformation, où la rapidité de l'information rivalise avec la nécessité de sa véracité, le rapport entre journalistes et professionnels des relations presse s'adapte et évolue. À l'occasion de la publication du Rapport State Of The Media 2025, Com’On Leaders a souhaité donner la parole à ceux qui façonnent chaque jour l'information.

 

Quelles sont les attentes des journalistes face aux RP ? Comment l'essor des nouvelles technologies, telles que l'intelligence artificielle, les médias sociaux influencent-ils leur métier ? Et surtout, comment les RP peuvent-ils mieux répondre à leurs besoins dans un contexte avec lequel la confiance reste un enjeu clé ?

 

La parole est à Anne Brunet, co-fondatrice de l’agence Chronique Relations Publiques.

 

Il y a plus de dix ans, lorsque nous avons fondé Chronique, ce que recherchaient nos clients, c’était la fameuse double page dans un grand titre print. Depuis, les usages ont profondément évolué : les blogs, la digitalisation des médias, puis les réseaux sociaux ont bouleversé le rapport à l’information. À tel point qu’aujourd’hui, un contenu qui n’est pas en ligne semble tout simplement ne pas exister. Pire : s’il n’est pas partagé, liké, commenté, il n’a aucune résonance.

Face à cette évolution, nous avons naturellement fait bouger les lignes de notre métier. Les relations presse sont devenues de plus en plus digitales, connectées, hybrides. Nous nous sommes positionnées comme une agence média au sens large, en phase avec les usages de l’époque. Et voilà qu’une nouvelle révolution s’invite dans le paysage : l’intelligence artificielle générative, incarnée notamment par ChatGPT. Une révolution qui complexifie encore un peu plus notre écosystème, mais qui ouvre aussi de nouvelles opportunités.

Aujourd’hui, les marques ne veulent plus seulement “être dans la presse”. Elles veulent ressortir dans les requêtes ChatGPT, apparaître dans les réponses d’une IA, être visibles dans cet univers algorithmique en train de s’imposer. Car les chatbots conversationnels comme ChatGPT deviennent progressivement des infomédiaires : ils synthétisent l’actualité, orientent les recherches et influencent la perception d’une marque. Être cité par un média à fort trafic ou reconnu comme source d’autorité devient donc stratégique pour ressortir dans les requêtes ChatGPT.

C’est une transformation majeure, et notre mission n’est plus seulement d’assurer une couverture médiatique, mais aussi de rendre nos clients visibles dans les écosystèmes algorithmiques. D’où la demande croissante de backlinks dans les articles (essentiels pour le référencement) que nous devons aujourd’hui négocier avec des journalistes pas toujours enclins à en insérer.

À la question : est-ce que l’IA va remplacer le métier d’attachée de presse ? Franchement, non. Car les relations presse reposent sur le principe même de « relation ». Une relation humaine, de confiance, construite dans le temps. Et nous le constatons tous les jours : un bon communiqué envoyé dans une boîte mail déjà saturée n’est rien sans le bon pitch, la bonne accroche, le bon contexte. Et la plupart du temps, l’appel téléphonique reste notre meilleur allié.

L’IA peut nous assister, mais elle ne remplace pas ce lien. Chez Chronique, nous utilisons l’IA comme un outil pour améliorer notre travail : rédiger des communiqués, contenus sociaux, stratégies, recherches… Elle nous permet d’élever le niveau de qualité de nos productions, mais pas nécessairement de gagner du temps. Car l’IA, mal utilisée, ne génère que des contenus approximatifs, incomplets. Le cerveau humain reste donc indispensable pour cadrer, corriger, approfondir.

Je comprends la méfiance des journalistes face aux contenus générés par l’IA, mais soyons honnêtes : les journalistes n’ont pas attendu l’IA pour recevoir de mauvais communiqués ! Ce n’est pas l’outil qui fait la qualité, c’est la façon dont on s’en sert. Et bien utilisée, l’IA peut justement nous aider à faire mieux, au bénéfice des journalistes donc.

Un autre point qui me semble crucial est la perception côté client. Certains pourraient croire qu’un communiqué peut se rédiger "en 5 minutes avec ChatGPT" et que cela justifie une baisse de budget. C’est une erreur. Car produire un bon contenu avec l’IA demande du temps, de la matière, de la compréhension stratégique, et surtout un regard critique permanent.

Enfin, il y a un enjeu systémique qui nous concerne tous : celui de la survie des médias. Il a été démontré que ChatGPT sélectionne majoritairement des sources anglosaxonnes et issues de grands groupes, au détriment de la presse indépendante ou nationale. Mais si les IA ne se nourrissent que de contenus validés par des algorithmes de popularité ou de trafic, que devient le pluralisme de l’information ?

Par ailleurs, le modèle économique des IA génératives comme ChatGPT repose aujourd’hui principalement sur les abonnements et les financements privés. Mais il est fort probable que la publicité y prenne bientôt une place importante, détournant des recettes publicitaires qui auraient pu bénéficier aux médias traditionnels (déjà bien appauvries par META). D’ailleurs, certaines plateformes d’IA, comme Perplexity ou You.com, intègrent déjà de la publicité sponsorisée. En tant qu’attaché(e)s de presse, l’IA est donc un sujet qui nous concerne pleinement, car nous dépendons de la bonne santé des médias pour exercer notre métier. C’est pourquoi nous développons aujourd’hui une vision d’agence média globale, associant RP et contenus co-créés avec les rédactions, afin de contribuer concrètement au financement des médias. Tout en garantissant transparence et éthique pour ne pas brouiller la frontière entre information et communication.

L’IA transforme notre métier, c’est indéniable. Elle nous oblige à monter en compétence et à revoir nos méthodes, et elle pousse l’ensemble du secteur à évoluer. Mais elle ne signe pas la fin des RP, tant que les contenus auront besoin d’être pensés, incarnés, contextualisés, notre rôle restera essentiel.

Le jour où les journalistes seront eux-mêmes remplacés par des IA, alors peut-être que le métier d’attachée de presse disparaîtra. Mais à ce jour, l’IA a besoin des médias pour exister. Et les marques, elles, ont toujours besoin de narration et de relationnel pour émerger.

 

 

Etude monde 2025 : Rapport sur l’État des Médias

Les journalistes Nord-Américains les plus réfractaires à l’IA, prédominance de LinkedIn et arrivée de Bluesky dans les usages réseaux sociaux : le rapport State Of The Media 2025 réserve quelques surprises…

Le rapport sur l'état des médias de Cision est un guide pratique essentiel pour les professionnels des RP qui tentent de comprendre le paysage médiatique. Comme chaque année et pour la 16ème édition, Cision a interrogé plus de 3 000 journalistes à travers le monde pour dresser un état des lieux de la profession et connaître leurs sentiments sur l’évolution de leur métier.

 

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